Un « Passeport pour entreprendre » pour lutter contre les défaillances d'entreprises

Les experts-comptables de Nouvelle-Aquitaine souhaitent mettre en place un « Passeport pour entreprendre » en Haute-Vienne. Objectif : permettre aux futurs entrepreneurs d'être mieux armés et lutter ainsi contre les défaillances d'entreprises qui ont atteint des records en 2024.
L'année 2024 aura été noire pour la France en matière de défaillances d'entreprises. Leur nombre a atteint un record avec de lourdes conséquences économiques et sociales. Plus de 66.200 dirigeants se sont retrouvés devant le tribunal de commerce, avec une issue plus ou moins heureuse (redressement judiciaire, liquidation ou procédure de sauvegarde). La hausse est particulièrement forte du côté des petites structures.
Pas suffisamment armés
Dans ce contexte, la Haute-Vienne n'est pas épargnée. Le département a enregistré sur la même période l'ouverture de 358 procédures collectives pour les sociétés commerciales (+6,5% par rapport à 2023). L'effet de rattrapage post-Covid, le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et certaines difficultés sectorielles fortes (construction, transport routier, restauration...) expliquent en partie ce phénomène. Mais pas seulement. De nombreuses faillites trouvent aussi leur origine dans un manque de formation et de connaissances des dirigeants.
Dans une étude que l'Institut Sofos a publiée, le think tank des experts-comptables de Nouvelle-Aquitaine constate que les entrepreneurs français ne sont pas suffisamment armés pour faire face aux difficultés.
En effet, chef d'entreprise est probablement un des métiers les plus difficiles, insistent les experts de l'Institut Sofos, rappelant qu'un entrepreneur sur quatre a moins de 30 ans, un sur cinq est autodidacte sans diplôme et moins de la moitié est diplômée de l'enseignement supérieur. « Gérer, décider et arbitrer n'est pas donné à tout le monde. Cela nécessite des compétences managériales essentielles, comme la planification, l'organisation, la direction et le contrôle ».
Réduire les risques d'échec
Partant de ce constat, l'Institut Sofos a lancé l'idée d'un « Passeport pour entreprendre » à travers la création d'un véritable « permis d'entreprendre ». « L'apprentissage de la gestion d'entreprise doit bénéficier également d'un parcours complet d'accompagnement, aussi bien avant, pendant, qu'après la création ou la reprise d'une entreprise. Il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté d'entreprendre qui doit rester un principe fondamental à valeur constitutionnelle, précise l'Institut Sofos, mais de réduire les risques d'échec en faisant en sorte que le créateur ou repreneur d'entreprise puisse acquérir un socle minimum de connaissances ».
S'appuyant sur les préconisations de l'Institut Sofos, le Conseil de l'Ordre des experts-comptables de Nouvelle-Aquitaine a décidé d'engager la mise en oeuvre d'un « Passeport pour entreprendre » dans la Haute-Vienne et les autres départements de la région. « Aujourd'hui, on peut créer une entreprise derrière son ordinateur, en quelques clics, sans jamais avoir rencontré un professionnel. Laisser penser qu'entreprendre est donné à tout le monde est extrêmement dangereux. On peut être un bon technicien mais un mauvais entrepreneur », analyse Delphine Sabatey, la présidente de l'Ordre régional des experts-comptables.
Ce parcours est modulable avec une approche en fonction des branches professionnelles. Il pourrait être complété par des séances d'actualisation et d'approfondissement tous les deux ans.
Accompagner et former les entrepreneurs Pour son déploiement, les experts-comptables souhaitent s'appuyer sur leur réseau de partenaires historiques, notamment les chambres consulaires et les acteurs du territoire.
« Ils sont les mieux placés pour accompagner les entrepreneurs sur le volet métier, grâce à leur expertise. Il est donc pertinent qu'ils prennent en charge l'accompagnement en matière de développement commercial, de marketing et de stratégie. De leur côté, les experts-comptables accompagneront les entrepreneurs dans le développement de leurs compétences en gestion, en leur fournissant des outils adaptés pour la comptabilité, la finance, la gestion de trésorerie et les systèmes d'information ».
Compte tenu de l'enjeu, l'Institut Sofos va plus loin et plaide pour que ce « Passeport pour entreprendre » devienne obligatoire avant l'accomplissement des formalités juridiques de création de toute entreprise.
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