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Dr Jean-Pierre Bouchard : "Le peuple ukrainien fait preuve d'extraordinaires capacités d'adaptation et de résilience"

07h00 - 25 mars 2022 - par Info Haute-Vienne
Dr Jean-Pierre Bouchard :
« Les troubles, quand ils existent, peuvent se manifester à court, moyen et long terme »

Entretien exclusif avec le Dr Jean-Pierre Bouchard, psychologue et spécialiste des agresseurs et des victimes.

Quelles sont les conséquences psychologiques pour les réfugiés qui ont fui l'Ukraine ?

Après la peur et les angoisses de destruction et de mort pour eux-mêmes et leurs proches les réfugiés sont soulagés d'être en sécurité. Après l'exode, les séparations et le déracinement, ce soulagement n'est que partiel. Leurs angoisses concernent maintenant les personnes restées au pays, et l'état de conservation ou de destruction de leur lieu d'origine et plus largement de l'Ukraine. Cette angoisse permanente fluctue car la guerre s'étend, prolifère et la situation peut évoluer à tout moment. Des blessures ou décès de connaissances sont redoutées. Ces blessures et ces décès peuvent se multiplier. Le peuple ukrainien, réfugiés inclus, fait preuve d'extraordinaires capacités d'adaptation et de résilience en se mobilisant pour sortir de ce cahot. Cette mobilisation est un facteur psychologiquement plus protecteur que de subir passivement les évènements.

Sont-elles les mêmes pour les adultes, essentiellement des femmes, et les enfants ?

Il peut y avoir des points communs et de grandes différences selon les personnes et la façon dont elles sont impactées. L'angoisse, la tristesse, le deuil, les troubles du sommeil, les reviviscences involontaires des bombardements, des explosions, et autres formes d'agressions est possible. Des troubles physiques et du comportement peuvent également se produire ou se surajouter. Les troubles, quand ils existent, peuvent se manifester à court, moyen et long terme. Ils peuvent régresser ou s'aggraver. Si des réfugiés adultes ou enfants présentent des perturbations psychologiques invalidantes, il peut être bon de les aider à se rapprocher de psys formés et expérimentés dans la prise en charge des victimes. Tous les psys ne le sont pas. La barrière de la langue devra être surmontée. Les psys ne sont pas l'unique solution d'aide. De nombreuses implications dans des activités peuvent également permettre de mieux vivre ces épreuves. Toutes les victimes, loin de là, ne développent pas des troubles invalidants.

Les peuples européens ont été touchés par cette guerre aux portes de l'Europe, comme en témoigne l'importance des dons. Comment psychologiquement l'expliquez-vous ?

Effectivement les dons ont été rapides et importants. Il s'agit là d'une réaction d'empathie de masse à la mesure des attaques et des lourds préjudices subis par les victimes. Le suivi en direct de cette guerre ultra-médiatisée a suscité un émoi collectif, un vécu d'injustice et une prise de conscience des multiples destructions infligées : destruction de vies, d'habitats, de ressources, de liens interpersonnels, de familles, de l'organisation sociale, etc. Face à cette situation extrême, la réaction naturelle de la plupart d'entre nous est de vouloir aider les personnes ainsi agressées. Cet effet est majoré par la proximité géographique et historique des scènes de guerre. Pour la plupart des adultes, c'est également le rappel que la paix est un bien précieux et fragile.

Comment parler de la guerre aux enfants ?

Tout dépend des enfants, de leur âge et de leurs interrogations. D'une façon générale il ne faut pas tenir des propos anxiogènes même si ça peut être parfois compliqué. Utiliser des mots et des expressions simples. Ces échanges doivent se faire dans le calme et la réassurance. Il n'est pas nécessaire d'anticiper et de répondre à des questions que les enfants ne se posent pas réellement. Rappeler que la France n'est pas en guerre est important et rassurant. Avec les plus grands c'est aussi l'occasion d'appréhender simplement des notions comme les conflits, la paix, l'entraide, la solidarité, le respect, etc. Il faut enfin éviter aux enfants la surexposition médiatique à la violence et à cette guerre.

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