Sacré Graal !
Voilà de drôle de Chevaliers pour un opéra qui est du grand bouffe mais pas de la camelote !
« C’est une de mes meilleures partitions, mais le public ne fait pas le succès des meilleures choses... ». Ainsi s’exprime humblement Hervé dans ses notes pour servir à l’histoire de l’opérette, un mémoire qu’il adresse en 1881 au chroniqueur théâtral, Francisque Sarcey.
opéra-bouffe
Au cours d’une longue carrière marquée par des succès éclatants et des chutes retentissantes, le compositeur a eu maintes occasions de devenir philosophe.
La citation précédente concerne son opéra-bouffe Alice de Nevers, mais il aurait pu dire la même chose des Chevaliers de la Table ronde : Alice est un fiasco complet à sa création en 1875, les Chevaliers reçoivent un accueil tiède quand ils voient le jour en 1866.
Dans les deux cas, il s’agit d’œuvres qui méritent qu’on les réécoute… Hervé avait donc raison !
Oui, ces Chevaliers qui reviennent aujourd’hui d’un long exil sont dignes de connaître une renaissance. Car il s’agit d’une œuvre plus importante qu’il n’y pourrait d’abord paraître.
Pourquoi ? Parce que ces vaillants Chevaliers constituent un jalon, non seulement dans la carrière d’Hervé mais dans l’histoire de l’opérette : celui qu’on appelle le « Compositeur toqué » – et qu’on considère comme le père de l’opérette – écrit là son premier grand opéra-bouffe en trois actes, et il le destine au théâtre des Bouffes-Parisiens, fief de son rival, Jacques Offenbach.
Offenbach écrira une opérette en deux actes, Mesdames de la Halle, avant de frapper un grand coup en 1858 avec Orphée aux enfers. Cet « opéra-bouffon » – ainsi le nomme Offenbach – marque le véritable coup d’envoi d’un genre lyrique léger, qu’on appelle, la plupart du temps, l’opérette.
héros mythologiques
Le plus gros obstacle que devront franchir les Chevaliers sera la compétition, mais pas celle dont parle le livret. Le public est ailleurs en ce mois de novembre 1866 : il est d’abord à l’Opéra-Comique, où le succès de Mignon d’Ambroise Thomas bat son plein. Le critique Albert de Lasalle avoue même qu’il n’a pas vu les Chevaliers, ayant préféré aller entendre les vocalises de Philine plutôt que celles de la duchesse Totoche. Le public se rue aussi au Palais-royal où Offenbach triomphe avec La Vie parisienne, la pièce que tout le monde veut voir, un opéra-bouffe différent, basé sur des personnages contemporains et non plus sur des héros mythologiques ou historiques. Hervé et ses collaborateurs se heurtent à deux difficultés : une partie des critiques (et du public) s’est déjà lassée des pièces parodiques sur des thèmes anciens (Offenbach avait déjà essuyé un demi-échec en essayant de reproduire le succès d’Orphée aux enfers avec Geneviève de Brabant, en 1859), tandis que certains puristes continuent de crier au sacrilège. Les mêmes qui avaient dénoncé les profanateurs de la mythologie grecque (dans Orphée et Hélène) poussent des cris d’orfraie en voyant ridiculiser les héros de la Table ronde. Malgré les censeurs, le genre de l’opéra-bouffe continuera de fleurir mais en s’éloignant de la parodie littérale des sujets anciens. Notre époque ironique, éprise de parodie autant que de Moyen-Âge (voir le succès de Kaamelott), friande de découvertes musicologiques, donnera-t-elle sa chance aux Chevaliers d’Hervé ? Les exemples de surprises heureuses dans l’exploration des répertoires oubliés abondent, à commencer par toutes ces oeuvres d’Offenbach, mal reçues pour de mauvaises raisons liées au climat politique. La folie d’Hervé, sa démesure et ses excès, pouvaient désarçonner ses contemporains. Elle pourrait bien plaire aux spectateurs d’aujourd’hui, qui en ont vu bien d’autres. On pourrait alors entendre de nouvelles versions des grands titres d’Hervé ou bien redécouvrir Les Turcs, déjà nommés, Le Trône d’Écosse, ou même Alice de Nevers – toutes œuvres victimes de circonstances défavorables, et avec lesquelles Hervé croyait avoir atteint le chef-d’œuvre. et qui sait ? Peut-être Hervé avait-il encore raison !Photos © G Bonnaud
Les Chevaliers De La Table Ronde Vendredi 17 février 2017 | 20 h Dimanche 19 février 2017 | 15 h Opéra-bouffe en trois actes de Florimond Ronger dit Hervé Livret d’Henri Chivot & Alfred Duru Billetterie 05 55 45 95 95 Du mardi au samedi de 12h30 à 18h30 sans interruption www.operalimoges.fr
0 commentaires