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« Opéra de Limoges, on t'a reconnu dans ce programme ! »

06h35 - 24 juin 2024 - par Anne-Marie MUIA
« Opéra de Limoges, on t'a reconnu dans ce programme ! »
Tosca est l'opéra le plus fulgurant de Puccini (© Frédéric Stéphan)

L'Opéra de Limoges a dévoilé sa programmation lyrique, chorégraphique et musicale, avec des rendez-vous pouvant séduire les mélomanes avertis comme les néophytes.

Carmen est-elle vraiment archiconnue ? On peut clairement se poser la question. Aussi, pour sa saison 2024-2025, l'Opéra de Limoges propose Carmen en fil conducteur, avec plusieurs déclinaisons. « Toutes ces propositions artistiques seront portées par des femmes, à la direction scénique, à la direction musicale ou à l'adaptation musicale, au travail chorégraphique et plastique, chacune d'elles contribuant à apporter une interprétation contrastée de cette histoire a priori archiconnue », note Alain Mercier, le directeur général.

Ainsi, on la retrouvera dans La jeune fille et L'Amor. Carmen se révèle sous un autre visage durant ce concert symphonique qui réunit les plus grands airs de l'opéra de Bizet dans une suite de ballet confiée aux cordes et aux percussions. L'originalité des timbres accompagne l'oiseau rebelle, indomptable, face à l'Amour sorcier porté cette fois par les vents de l'orchestre. Cette pièce, composée en l'honneur de la grande danseuse flamenco Pastora Imperio, dépeint l'univers gitan, révélant son caractère sacrificiel, imaginaire et sensuel.

Dans Un piano dans la montagne, le public découvrira Carmen comme il ne l'a jamais vue et entendue, dans une version concentrée de l'histoire de la gitane et de Don José. Sandrine Anglade, qui excelle dans les mises en scène lyriques, comme avec La Ville morte de Korngold en 2019, revient en proposant une version intime de Carmen. L'œuvre est resserrée sur le drame des personnages Carmen, Don José, Escamillo et Micaëla, soulignant la confrontation entre collectif et individu.

Outre Carmen, je chante pour moi-même, la performance solo chantée et dansée de Myriam Jarmache, les spectateurs se laisseront séduire par Carmen, cour d'assises. Alexandra Lacroix, artiste associée à l'Opéra de Limoges porte un regard neuf sur cette œuvre. Et si la justice des hommes avait dû se prononcer sur la tragédie du meurtre de Carmen, que serait devenu Don José ? Un bourreau ? Une victime ? Un irresponsable ? Le spectateur est dans la position du juré. Le féminicide a eu lieu, les faits ont été avoués par l'ex-compagnon. Le spectateur vibre au rythme des réminiscences de l'œuvre originale aussi bien que des rebondissements du procès, disséquant toutes les étapes ayant mené à l'acte fatal. Carmen, cour d'assises est un spectacle lyrique poignant, sur des compositions de Diana Soh, qui reprennent et croisent les thèmes de Bizet.

Enfin, avec Carmen, opéra-paysage, la metteuse en scène Jeanne Desoubeaux et sa troupe, nous entraînent faire un tour pour découvrir leur Carmen, une version resserrée à découvrir en plein air ! L'amour joue au coude à coude avec la mort. L'humour omniprésent n'édulcore en rien le propos de l'œuvre. Fidèle à la trame, l'adaptation musicale est un délice : le piano est tour à tour instrumentarium ou piano de cabaret, le trombone et la trompette résonnent avec les instruments de l'armée, les ukulélés, percussions et la clarinette poussent du côté de la musique tzigane.

Poulenc

Dans cette nouvelle programmation, un focus sera porté à Francis Poulenc, compositeur français de la première moitié du XXe siècle. Pianiste, mélodiste hors pair, auteur de grands chefsd'œuvres de l'opéra (La Voix humaine, Le Dialogue des Carmélites), il est toutefois rendu célèbre par son adaptation de Babar... « Tout à la fois frivole et religieux, fantasque et engagé, sa musique recèle toutes les ambivalences de son caractère. Pendant l'occupation allemande, il est membre d'un Front National d'un tout autre genre (celui de la résistance des musiciens) et n'hésitera pas à glisser dans un ballet qui lui avait été commandé par l'Opéra de Paris, un extrait de Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine face à un parterre d'officiers nazis. Proche des poètes et des grands peintres de l'avant-garde, il ne renie jamais l'ambiance des guinguettes et du music-hall de sa jeunesse », rappelle le directeur.

Quatre de ses œuvres seront abordées : la célèbre sonate pour clarinette et piano, le cycle vocal « Figure humaine », le double-concerto pour piano et orchestre et son opéra-bouffe Les Mamelles de Tirésias. Une œuvre courte et foisonnante sur le plan musical au service d'un texte provocateur d'Apollinaire qui fit scandale à l'époque de sa création originelle pour le théâtre (1917). Un texte qui traite du féminisme, de l'antimilitarisme, de la transition de genre et de l'assignation féminine à la procréation.

Des genres qui dérangent ?

Friand à l'époque baroque de travestissement des rôles ou des voix, pouvant aller jusqu'à la radicalité des castrats, l'Opéra s'est longtemps plu à brouiller les pistes du genre et des sexes. « Pourtant, dans ses livrets, ses mises en scène, la classification de ses rôles, l'invisibilité de certaines sexualités sur le plateau ou chez les artistes de la programmation, il a fini par devenir un miroir des assignations genrées de la société, qu'il a contribué à diffuser, à ancrer dans les esprits voire à fabriquer. Aujourd'hui, on constate que les représentations genrées des corps ou des rôles sont revues par les protagonistes de la scène lyrique. À l'instar du théâtre ou de la danse contemporaine, qui ont depuis plus longtemps intégré ces questions, l'Opéra s'achemine vers une meilleure prise en compte de ces diversités. Plusieurs propositions artistiques chantées ou dansées résonneront sur ces sujets au travers d'un éventail de points de vue », relate Alain Mercier.

Un thème développé dans Catching Lion needs a thousand dogs, Les Sentinelles, Je badine avec l'amour, Bate Fado, Majorettes, Et maintenant, Miss Kniffe est en couple ! et Les Mamelles de Tirésias.

Tosca

Tosca, ou le trio infernal exacerbé par le désir et la violence entame une infernale course à la mort. La jeune cantatrice Floria Tosca est l'amoureuse jalouse du peintre Mario Cavaradossi, tandis que l'infâme Scarpia, le chef de la police secrète romaine, piège Tosca en lui promettant d'organiser la fuite de son amant alors en prison si elle consent à se donner à lui... La flamboyance de la musique renforce et amplifie l'intensité dramatique de façon extraordinaire. L'italienne Sylvia Paoli propose une mise en scène épurée pour souligner l'universalité des passions. Si on retrouve la critique du pouvoir, de l'église, une réflexion sur la condition humaine, l'œuvre est concentrée sur l'émotion pure. Le drame qui se joue dans Tosca est cruel. La musique de Puccini l'habite avec une intensité, une fièvre de chaque instant, traversée d'éclaircies de pure poésie qui ont depuis longtemps conquis le cœur de tous les amoureux d'opéra.

Billetterie : 05.55.45.95.95 ou 05.55.45.94.70, et operalimoges.fr. Les spectacles à JM-MAD peuvent être réservés au Grand-Théâtre et réciproquement.

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