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Entre promeneurs et chasseurs, la cohabitation est possible

06h00 - 17 novembre 2022 - par Info Haute-Vienne
Entre promeneurs et chasseurs, la cohabitation est possible
Lors de ses sorties, Michel Ardiller n'a jamais été gêné par les chasseurs (© Gabbrô-Forêt d'Epagne)

Alors que le Gouvernement envisage d'instaurer de nouvelles règles afin d'améliorer le partage de la nature entre les chasseurs et les promeneurs, faisons le point sur la situation en Haute-Vienne, où la cohabitation s'avère plutôt paisible.

L'an dernier, 90 accidents de chasse, dont huit mortels, ont été recensés sur l'ensemble du territoire français.

Les plus dramatiques ont suscité une vive émotion parmi la population, contribuant ainsi à un peu plus ternir l'image des chasseurs. Nous avons tous en mémoire le sketch des Inconnus sur la chasse à la galinette cendrée. La caricature était certes grossière, mais elle mettait déjà, en 1991, en relief le problème de la consommation d'alcool durant les parties de chasse. Le récent rapport du Sénat publié sur la base des chiffres de l'OFB (Office français de la biodiversité), compilés entre 2003 et mars 2022, démontre que cela reste marginal : « 9 % des accidents sont liés à l'alcool ou aux stupéfiants, soit une proportion non négligeable mais assurément très inférieure aux caricatures ». Ce taux préoccupe cependant le Gouvernement, qui envisage de fixer ce seuil à 0,5 gramme par litre de sang et d'organiser des contrôles aléatoires pour vérifier qu'il est bien respecté.

PARTAGER LA NATURE

Pour rassurer les autres usagers de la nature, le Gouvernement étudie la proposition de certaines associations anti-chasse visant à interdire la chasse un jour par semaine. Cette restriction exaspère les chasseurs et pourrait envenimer les relations entre les différentes communautés. Le ton a d'ailleurs été donné en mai dernier, lorsque Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs, a déclaré à propos des solutions pour limiter le nombre des accidents : « Les Français n'ont qu'à se promener chez eux, ils n'auront aucun problème. 85 % du territoire national est privé en France. La nature n'est pas à tout le monde ».

Fort heureusement, en Haute-Vienne, l'ambiance est nettement plus apaisée. « Nous avons d'autres sujets de préoccupation que celui-ci. D'abord parce que nous n'avons pas parmi nos adhérents, d'associations s'opposant à la chasse. Par ailleurs, nous n'avons que très rarement des remontées d'utilisateurs de la nature ayant eu maille à partir avec des chasseurs. Cependant, notre région n'est pas à l'abri d'un accident plus ou moins grave, ce que je ne souhaite évidemment pas, qui pourrait changer la donne », avoue Jean-Jacques Rabache, le directeur de Limousin Nature Environnement.

DÉSAGRÉMENTS LÉGERS

Il reconnaît cependant recevoir parfois des signalements de militants qui s'offusquent de certaines pratiques de chasse, comme le déterrage des blaireaux par exemple. Chaque année, le centre de soins SOS Faune Sauvage récupère également des oiseaux touchés par des plombs perdus, mais les équipes considèrent qu'il ne s'agit pas de tirs volontaires sur des espèces protégées. Et si c'était le cas, une plainte serait déposée. Il arrive aussi que les blessures ne soient pas causées par des chasseurs. « Le centre reçoit parfois des oiseaux capturés par les chats, qui constituent les principaux prédateurs des oiseaux des jardins », précise le directeur.

Si la cohabitation avec les différents utilisateurs de la nature se passe bien chez nous, c'est également parce que la chasse est pratiquée différemment. Elle se déroule principalement en milieu rural, assez loin des villes. « Nous ne subissons pas les blocages de cols comme dans le Sud Ouest, lorsqu'il y a une action de chasse aux migrateurs ou des interdictions de traverser les grandes étendues des réserves de chasse de Sologne par exemple. Dans le département, les hommes et le gibier peuvent circuler librement quasiment partout, car nous sommes soumis à la loi Verdeille. Cette loi ne permet pas de clôturer ses terres afin d'en interdire la chasse, sauf si l'on est propriétaire de plus de 20 hectares. Toutes les autres parcelles sont regroupées au sein d'une Association Communale de Chasse agréée (ACCA) », ajoute le directeur, qui rappelle qu'en Haute-Vienne, « 95 % des forêts sont privées. Elles ne sont donc, par principe, pas accessibles aux promeneurs et cueilleurs de champignons, sauf si le propriétaire l'autorise ».

DIALOGUER

Limousin Nature Environnement siège dans diverses commissions pour déterminer, entre autres, les dates des périodes de chasse, mais n'a, jusqu'à présent, jamais revendiqué la suppression d'une journée de chasse. « Il faut apprendre à partager la nature », avertit le directeur.

Lors d'une sortie en forêt, il est fortement conseillé de se renseigner en mairie ou auprès de l'ACCA locale pour s'assurer qu'il n'y a pas de battues sur la commune. Lorsqu'elles organisent des randonnées, les associations informent systématiquement les mairies auprès desquelles elles déposent leurs itinéraires et généralement, il n'y a pas de problème. Pour renforcer l'information des promeneurs, des applications pour smartphones devraient se multiplier dans les prochains mois.

En dépit de toutes ces précautions, des randonneurs peuvent parfois se retrouver nez à nez avec des chasseurs. « Cela nous est déjà arrivé, alors que nous avions pourtant prévenu la société de chasse locale. Nous avons aperçu un sanglier au milieu du chemin et plus loin, un groupe de chasseurs. Nous avons agité les bras et sorti nos sifflets afin qu'ils sachent que nous étions là », se souvient Jackie Braye, la présidente du comité de randonnée de la Haute-Vienne.

Michel Ardiller, le président de la société mycologique du Limousin, estime également que la cohabitation entre les ramasseurs de champignons et les chasseurs se passe bien. « Nous organisons nos sorties principalement dans les bois du domaine public où il n'y a pas de chasse. Lorsque ce n'est pas le cas, nous demandons aux chasseurs de décaler leurs activités et ils le font généralement bien volontiers. Et lorsqu'il y a une action de chasse, nous nous en rendons compte rapidement, car on entend les coups de fusil, et nous allons ailleurs, car nous cherchons tous les champignons, pas uniquement ceux des bois », confirme-t-il.

Tant que les différents protagonistes dialogueront, la campagne limousine sera partagée harmonieusement.

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