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Courbefy : un village d’artistes ?

00h00 - 17 avril 2017 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_225636" align="aligncenter" width="800"] Bernard Guilhem attend que le village d'artistes prenne vie.[/caption]

Durant des semaines, le village abandonné de Courbefy situé, à la frontière du Limousin et du Périgord, a fait la Une de la presse internationale.

Des centaines de médias avaient relayé la vente aux enchères du hameau à la barre du Tribunal de Grande Instance Limoges. A 10.000 km de là, Ahae un photographe sud-coréen, apprend l'existence de Courbefy grâce à un reportage diffusé sur CNN, alors qu'il cherche un village à vendre en France. Le 21 mai 2012, de nombreux acquéreurs se pressent pour la vente aux  enchères de 21 maisons et 12 ha mis à prix 330.000 €.  Bernard Guilhem, le maire de Saint-Nicolas-Courbefy à l'origine de la médiatisation du lieu, est aux anges. « Le créancier le Crédit Agricole avait mis le site en vente le 20 février suite à la faillite du dernier propriétaire en 2008 raconte-t-il. Cela avait attiré la foule, des curieux et des amoureux du lieu en réalité, et le hameau n'avait pas trouvé preneur. J'ai donc lancé un appel national et même international sur France 3, Le Parisien a repris l'info, les autres journaux ont suivi et tout a démarré comme ça. Le téléphone n'arrêtait plus de sonner à la mairie et chez moi, je suis resté là-haut un mois et demi pour faire visiter le village à des centaines de gens. Ce fut une expérience extraordinaire mais aujourd'hui, j'espère terminer mon mandat en bouclant ce projet et profiter de ma retraite avec mon épouse pour voyager ». On connaît la suite, Ahae a remporté la mise pour 520.000 € face à un Belge qui voulait ouvrir un centre pour personnes handicapées et une célèbre société de production qui souhaitait organiser un jeu de télé-réalité. « J'aurai préféré le projet Belge qui nous promettait une trentaine d'emplois » confie-t-il aujourd'hui. [caption id="attachment_225637" align="aligncenter" width="800"] Le photographe Ahae avait acheté les 21 maisons de Courbefy en 2012[/caption]

Naufrage

Le conte de fées tourne au cauchemar, en avril 2014, lorsque le ferry sud-coréen « Sewol » fait naufrage en Mer Jaune, entraînant la mort de près de 300 personnes dont une majorité de lycéens. Ahae, qui n'est autre que Yoo Byung-Eun, un puissant mais controversé homme d'affaires, est alors recherché par les autorités coréennes. Il possède des parts dans le capital de cette compagnie maritime. Trois mois après, il est retrouvé mort dans des conditions mystérieuses. Suicide ou assassinat, l'enquête est toujours en cours mais à Courbefy, Bernard Guilhem continue de croire aux promesses de son mécène. « Monsieur Baek, Directeur de la Fondation Ahae qui vit aux États-Unis, est venu en novembre avec Monsieur Hoff, l'architecte allemand qui a travaillé sur le projet et ils m'ont assuré que les fils d'Ahae poursuivraient l’œuvre de leur père. Ils veulent faire de Courbefy un village dédié aux arts et à la culture, accueillant des artistes très connus qui viendront du monde entier pour se ressourcer ici. A part le chant des oiseaux et le brame du cerf, ils ne seront pas dérangés ! Et ce sera ouvert aux visiteurs qui pourront voir des célébrités en train de travailler. En attendant, il faut que tout soit réglé au niveau juridique, notamment le procès en cours pour assassinat ». Pour l'élu, le doute n'est pas permis puisque le projet était ficelé voilà trois ans et devait être dévoilé quinze jours avant la mort du magnat sud-coréen. Bernard Guilhem n'a jamais rencontré cet artiste auto-proclamé qui ne sortait pas de chez lui et photographiait la nature depuis sa fenêtre. Deux expositions lui avaient été consacrées au Jardin des Tuileries et à l’Orangerie à Versailles. « J'avais trouvé cela très beau avoue-t-il, la presse avait dit que c'était extraordinaire et le jour où il est mort, ils ont dit que ce n'était pas un artiste ! Je ne dirai pas de mal de lui, c'était un sage, un  grand maître des arts martiaux et il ne possédait que 4 % des parts de cette compagnie. Il avait une propriété agricole bio de 600 ha en Corée, des milliers d'hectares dans la Silicon Valley et des forêts au Canada. Les artisans locaux qui ont travaillé au village ont été payés rubis sur l'ongle, un gardien est toujours employé… ». [caption id="attachment_225638" align="aligncenter" width="800"] La cuisine de l'ancien restaurant a été pillée[/caption]

Briser le destin

En attendant, le village est régulièrement vandalisé alors qu'il ne reste rien à voler, au grand désarroi de l'élu qui se remémore les bons moments passés ici, à l'époque où les fêtes attiraient des milliers de gens. Situé sur un promontoire à 557 m d'altitude, Courbefy a été abandonné plusieurs fois au cours des cinquante dernières années, d'abord par ses derniers habitants, de modestes feuillardiers puis par ses propriétaires successifs. Un village de vacances fut construit en 1979 par M. Toby avec piscine et court de tennis, le site a ensuite été racheté par M. Cassir puis géré par M. Guillot, qui avait misé sur une clientèle haut de gamme de comités d'entreprises avant de vendre l'affaire. En 2003, un couple de fonctionnaires du Gers était tombé sous le charme du lieu, l'aventure fera long feu, en 2008, le village sera livré aux pilleurs, tagueurs et amateurs de rave-party puis occupé quelques semaines, à l'automne 2015, par un groupe d'artistes écolos. [caption id="attachment_225639" align="aligncenter" width="800"] Le court de tennis est hors d'usage...[/caption]

Corinne Mérigaud Photos ©  Corinne Mérigaud

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