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Privilégier la médiation pour résoudre  les contentieux administratifs

09h00 - 17 mai 2023 - par Info Haute-Vienne
Privilégier la médiation pour résoudre  les contentieux administratifs
La Haute-Vienne, la Creuse et la Corrèze, mais également l'Indre sont du ressort du T.A. de Limoges

Depuis le 1er mars, Didier Artus est le nouveau président du tribunal administratif de Limoges.

Quel est votre parcours ?

J'ai suivi des études juridiques à Paris X-Nanterre jusqu'à un DEA de droit public économique. Parallèlement, j'ai passé le concours à l'Institut régional d'administration. À l'issue de l'IRA, en 1987, j'ai été nommé attaché d'administration centrale au ministère des Finances. Après quelques années à la direction de la Prévision, qui n'existe plus aujourd'hui, j'ai intégré le service juridique et de l'agence judiciaire du Trésor, où j'étais en charge de consultations et de contentieux de droit public. Je suis devenu conseiller de tribunal administratif à la faveur du concours de recrutement exceptionnel. Après le tribunal administratif de Caen, où je suis resté 7 ans, je suis parti à Poitiers, un choix à la fois professionnel et personnel, ma famille étant originaire du Poitou-Charentes. Après un poste à la cour administrative d'appel de Nantes, j'ai été proposé pour un grade de président au tribunal administratif d'Orléans, avec par la suite un retour à Poitiers comme vice-président du tribunal administratif durant neuf ans. En 2020, j'ai été promu président de chambre à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Le grand public connaît mal le tribunal administratif. Quelles sont les missions et les compétences de cette juridiction ?

Le tribunal administratif traite les différends entre les administrés et l'administration, avec une diversité de questions posées, soit 2 000 dossiers annuels à Limoges.

Presque un tiers de notre activité concerne la police des étrangers (mesures d'éloignement, refus de titre de séjour, conditions d'accueil...).

Ensuite, nous avons de grands « secteurs » comme la fonction publique (territoriale, hospitalière et d'État) soit 10 % de l'activité, ou encore les contentieux sociaux (aides sociales du Département, aides à l'emploi...), pour lesquels nous rencontrons parfois une population défavorisée ayant du mal à exprimer ses difficultés, et qui cumule des aides relevant d'administrations différentes. Nous essayons alors de développer d'autres moyens que le jugement classique qui peut être long à être prononcé alors que ces personnes sont souvent dans la gêne, et ont besoin d'une réponse rapide.

Nous traitons également les contentieux liés à la police administrative (100 dossiers par an), à la fiscalité (impôt sur le revenu, sur les sociétés, la TVA, les taxes locales, soit une centaine de dossiers), à l'urbanisme et l'environnement (contestation des PLU, permis de construire, certificat d'urbanisme, installation d'éoliennes, autorisation pour les exploitations agricoles, déchetteries...).

Sans oublier les marchés publics, les délibérations des collectivités territoriales, les plans sociaux des entreprises, les contentieux électoraux...

Qu'en est-il des procédures engagées contre un hôpital ?

Comme la responsabilité de la personne publique est engagée, il s'agit d'un contentieux administratif avec une demande d'indemnisation qui souvent fait suite à une demande d'expertises en référé devant le juge administratif. Les enjeux sont humains et financiers. Parfois, les administrés sont mal conseillés et engagent des procédures pénales, qui sont peu adaptées. Une confusion est possible avec les établissements privés, pour lesquels le juge judiciaire est compétent.

Quels sont les délais de traitement des dossiers au tribunal administratif de Limoges ? Quid de cette durée par rapport à la moyenne nationale ?

C'est très variable, avec un délai moyen d'un an et quatre mois. Mais cela n'a pas vraiment de sens. Par exemple, pour les obligations à quitter le territoire français pour les étrangers, nous avons des délais contraints pour les traiter, soit 6 semaines, soit 3 mois.

À Limoges, nous sommes un petit peu « en retard » par rapport à la moyenne nationale des juridictions de taille comparable, sachant que le ressort du tribunal administratif de Limoges s'étend sur quatre départements : la Haute-Vienne, la Creuse, la Corrèze et l'Indre. Depuis deux ans, nous avons un taux de couverture, qui est défavorable.

Pourquoi ?

Il existe plusieurs facteurs. Globalement, nous avons un effectif théorique très « juste » qui finalement n'est jamais atteint, puisque des collègues s'en vont, ne sont pas présents, sont en formation... Depuis quelques années, nous enregistrons une très forte rotation au sein du tribunal administratif de Limoges avec des primo-affectés qui bénéficient d'un « allégement » étant en formation. Aujourd'hui, nous avons donc un stock de dossiers anciens qui est anormalement élevé.

Avez-vous remarqué que les Français sont de plus en plus procéduriers, à l'instar des Américains ?

Sur le long terme, en effet, nous observons une croissance du contentieux, que j'ai d'ailleurs pu constater depuis le début de mon parcours. À Limoges, il y a une évolution assez nette mais qui reste modérée avec 1 700 dossiers en 2010 pour 2 000 à 2 100 en 2020.

Faire appel à un médiateur peut être une meilleure solution ?

Dans un contentieux classique, il faut commencer par faire une réclamation au préalable pour exposer les motifs, dont la réponse en droit peut modérer « les ardeurs » de certains. Parfois, la solution peut être un simple échange de courriers. La médiation, qui est un mode de règlement alternatif des litiges, est en voie de développement et j'y suis personnellement attaché. C'est nouveau : l'administration n'avait pas cette « tradition » hormis l'administration fiscale qui a toujours négocié avec les justiciables. On assiste à une vraie transformation depuis la loi sur la justice du XXIe siècle (N.D.L.R. : cette loi a pour ambition d'améliorer pour tous la justice du quotidien en la rendant plus proche, plus simple et plus efficace, notamment par la généralisation du service d'accueil unique du justiciable). Dorénavant, le Conseil d'État affiche une réelle volonté de développer la médiation, avec pour objectif de résoudre 1 % des dossiers des tribunaux administratifs, soit 2 000 dossiers à l'échelon national. À Limoges, on espère également y arriver.

Est-ce une façon d'humaniser la justice ?

Le juge prend l'initiative de proposer une médiation aux parties, qui autrement, peuvent également saisir le président de la juridiction pour qu'il désigne un médiateur. La réponse purement juridique, même si elle est juste au regard des règles de droit, d'une certaine moralité... peut ne pas être adaptée ou partielle. Facilitateur du dialogue, le médiateur est présent pour créer de la communication, pour « vider » un litige. Chaque partie va pouvoir discuter de la situation avec une vision globale. Généralement, c'est du gagnant-gagnant.

Pensez-vous que la justice administrative manque de moyens ?

La justice administrative, qui est gérée par le Conseil d'État, n'est globalement pas trop mal dotée financièrement. Nous avons les moyens de notre mission. L'adaptation permanente de l'effectif humain aux besoins est plus problématique face à la croissance du contentieux. C'est un défi permanent pour notre juridiction.

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